Hervé Chavet est le directeur technique et membre du comité de direction du groupe Hexaom. À quelques semaines de l’entrée en vigueur de la RE2020, il a pris le temps d’échanger avec nous pour une discussion sans langue de bois sur les réels enjeux de cette nouvelle réglementation pour la promotion immobilière.
Titre : Hervé Chavet, directeur technique et membre du comité de direction du groupe Hexaom
Descriptif : Photo d’Hervé Chavet
À quelques semaines de l’application de la RE2020, pouvez-vous nous dire ce que cette réglementation va réellement changer pour Hexaom ?
La RE2020 est en cours de discussion depuis plusieurs années, mais jusqu’ici nous n’avions en main ni les règles du jeu, ni les cartes avec lesquelles il nous faudrait jouer. Aujourd’hui, les choses sont plus claires : nous savons ce que nous devons faire.
Les impacts au niveau de la RE2020 sur le marché de la maison individuelle sont surtout au niveau du prix. Nous allons être sur un surinvestissement de 4 à 10 % sur le prix de la maison.
Les effets constructifs concrets concernent tout d’abord le renforcement significatif de l’isolation des constructions. Ils concernent également la standardisation des automatismes au niveau de la maison, en particulier pour les volets roulants, qui doivent permettre une gestion crépusculaire, pour répondre aux enjeux autour du confort d’été, le DH.
C’est vraiment l’un des gros sujets pour nous : comment transcrire techniquement les solutions pour améliorer ou réduire l’inconfort d’été, qui est LE gros sujet de la RE2020. La première piste, comme je le disais à l’instant, est de renforcer l’isolation, mais aussi de minimiser les apports solaires. Nous ne souhaitons pas que, l’été, le soleil se projette sur les baies vitrées et crée une surchauffe au niveau de la maison. Nous allons donc jouer avec les motorisations et le pilotage automatique des volets pour minimiser cette exposition au soleil.
Autre impact important de la RE2020, c’est le frein qui a été mis sur l’énergie gaz. Cela se traduit par un jeu de coefficients et un nouvel indicateur, dont le seuil annoncé n’exclut pas explicitement le gaz, mais le contraint très fortement. Cela concerne pour l’instant principalement la maison individuelle. Mais ce que nous sommes en train de vivre pour la maison individuelle, la promotion immobilière pour les logements collectifs le vivra dans 3 ans.
Notre autre grande question est : comment améliorer l’autoconsommation quand on installe des solutions d’énergie renouvelable ? Nous réalisons des chantiers tests en ce sens, en particulier avec Schneider Electric, pour essayer de maximiser l’autoconsommation dans la maison.
Enfin, nous menons une réflexion de fond sur la diminution des émissions carbone de nos projets. La réglementation est faite de telle sorte que, tous les 3 ans, nous allons réduire l’objectif d’impact carbone de la construction pour les logements. Les seuils de 2022 ne sont en réalité que la première marche, qui va permettre au marché de prendre conscience de l’impact carbone de la construction. Aujourd’hui, nous travaillons sur ce sujet avec très peu de recul. Les objectifs sont donc ambitieux, mais restent raisonnables.
Pensez-vous que la RE2020 est efficace pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments et atteindre les objectifs fixés par le gouvernement pour 2050 ? Avez-vous l’impression de regarder déjà plus loin que cette réglementation ?
Si on parle de l’horizon de 2050, sincèrement je n’en ai aucune idée. Il me semble difficile de donner des objectifs quand vous ne savez pas comment le modèle se comporte. Le fait de réfléchir par palier de 3 ans est déjà une bonne chose. Pour le prochain palier, nous avons déjà des solutions d’industriels pour réduire cet impact carbone. Nous sommes un peu loin du monde de l’automatisme, mais je prends l’exemple de Lafarge, qui commence à commercialiser des bétons avec moins d’impact carbone avec un gain de 30 à 40 %. C’est pour cela que ces paliers sont utiles : pour amener le marché à réduire son empreinte carbone lors de la construction.
Le faire par étapes est raisonnable, cependant avoir une vision à 6 ans est difficile. Pour être clair, au-delà du 1er palier je n’ai pas de vision. Cela risque d’évoluer, pour l’instant nous nous attaquons aux produits les plus générateurs de carbone. Ensuite au fur et à mesure, chaque industriel va amener sa pierre à l’édifice et ces produits, nous les utiliserons pour tenir nos objectifs.
Où en êtes-vous dans l’adaptation de vos projets pour la RE2020 ? Que vous manque-t-il pour être prêt ?
Pour la RE2020 nous sommes prêts. Aujourd’hui, nous avons les règles du jeu, nous avons les outils de calcul et, même si cela fût un peu compliqué, le sujet est réglé. Si vous souhaitez acheter une maison RE2020 aujourd’hui, aussi bien chez nous que chez nos confrères, c’est possible.
Avez-vous l’impression que les autres acteurs de la filière sont prêts ?
Un constructeur qui n’est pas prêt aujourd’hui, il lui sera très difficile de réaliser des ventes de maisons dans les semaines à venir. Soit il fait du non conforme, soit il est prêt.
C’est pour cela que je pense que les constructeurs sont prêts. Il y aura peut-être deux ou trois points de réglage, mais globalement, la filière des constructeurs de maisons individuelles dans son ensemble me semble prête !
Entre le moment où nous le rencontrons un particulier et le moment où nous déposons le permis de construire, il se passe généralement 4 à 5 mois. Pour nous, un cycle complet commence à partir du moment où l’on fait naître le projet jusqu’à sa livraison. Entre les deux, il se passe 1 an et demi.
En maisons individuelles, sans parler de maisons catalogue, il y a moins de complexité par rapport à ce que doit faire un promoteur dans le collectif. La différence c’est que pour nous, c’est un peu plus reproductible.
Titre : Les promoteurs et constructeurs face à la RE2O2O
Descriptif : Photo de 3 acteurs de la filière du bâtiment
Qu’attendez-vous des industriels pour vivre le mieux possible ce passage à la RE2020 ?
Les industriels connaissent aussi bien que nous, si non plus, les normes et les réglementations. La nouveauté sur le sujet carbone, c’est sûr que nous allons en parler à tout le monde. C’est aussi maintenant dans le cœur de métier de chaque industriel de savoir répondre aux enjeux énergétiques et là je ne parle pas de carbone.
Que pensez-vous du rôle des solutions connectées pour la gestion de l’énergie, pour l’autoconsommation, pour l’automatisation des volets, ou encore avec des tableaux électriques intelligents ? Que pensez-vous de tous ses outils pour répondre à la RE2020 ?
C’est complètement en phase avec les attentes du marché et avec les nôtres. D’autant plus qu’Hexaom lance son application de pilotage de maison connectée qui s’appellera « Hexaconnect ». Nous avons fait tout un travail, entre autres avec Schneider, pour lancer cette offre commerciale en octobre 2021. La RE2020 est un vrai tremplin pour cette solution, puisqu’elle répond aux obligations de la nouvelle réglementation sur tout ce qui est automatisme. L’évolutivité et l’interopérabilité avec différents systèmes et différents industriels sont vraiment au cœur de notre approche.
Sur le tableau électrique, intrinsèquement, la RE2020 n’a pas d’impact à mon sens. Si on va chercher des liens, ils sont très lointains.
Y a-t-il un impact de la RE2020 sur les architectures des maisons que vous proposez ?
Même si nous n’avons pas encore beaucoup de recul, il est certain que la RE2020 va réduire les possibilités architecturales des maisons. Les maisons biscornues, par exemple, vont être très contraintes sur la partie énergie et, demain, sur le volet carbone. Elles ne permettront plus, pour les questions d’isolation et de confort d’été que nous évoquions tout à l’heure, de respecter les exigences de la RE2020. De la même façon, les maisons fortement vitrées – et c’est une demande de nos clients – même équipées de solutions d’automatisation des volets, vont être très difficiles à mettre en place, au point qu’on doive peut-être envisager d’abandonner ce type de solution architecturale. Il y a donc des architectures qui vont vraiment être pénalisées et un risque réel d’uniformisation des architectures sur le long terme.
Que pensez-vous du label « plan bâtiment durable » ?
Le label est normalement fait pour se différencier du standard. Est-ce que la RE2020 est déjà devenu le standard ? Non, pas encore. C’est donc bien d’avoir un label, mais il doit préfigurer du devenir. Ma crainte est de voir certaines collectivités se diriger tout de suite vers le label, sans avoir au préalable digéré la réglementation sur le volet énergie et sur le volet carbone. Mais attendons un peu, le label n’est pas encore sorti.
Pensez-vous que les consommateurs sont prêts pour la RE2020 et qu’ils comprennent les surcoûts qu’elle engendre ?
C’est à nous de présenter les avantages de ce changement ! Le principal, à mon sens, concerne le confort d’été. Ce qui était il y a 40 ans une température caniculaire est aujourd’hui une température « normale ». Les vieilles maisons ne sont plus adaptées et la RE2020 est là pour remédier à l’inconfort lié au réchauffement climatique. Nous dimensionnons et adaptons donc nos maisons par rapport à ces contraintes et c’est un vrai plus pour nos clients. À nous de parler de ces sujets pour que les particuliers comprennent bien que, en bout de ligne, ce sont eux les bénéficiaires de ces évolutions.
Pensez-vous qu’il y a un risque de non-application de cette nouvelle réglementation ?
À partir de la RT2012 il y a eu deux points de contrôle : au moment du permis de construire et au moment de l’achèvement des travaux. Ces contrôles devraient être appliqués à l’ensemble des constructions, mais nous avons parfois été surpris de voir certaines constructions qui ne respectaient pas les exigences de la RT2012.
Qu’il y ait une norme, une loi, c’est logique. Mais il faut des contrôles et qu’ils portent sur l’ensemble des acteurs et des maisons.
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