Romain de Garsignies est cofondateur (avec Stéphane Renou) de StockPro, un écosystème digital complet destiné à faciliter la gestion et le réemploi des surplus de matériel dans le BTP. Pour lui pas de secrets : pour être opérante, la durabilité doit se penser d’un point de vue opérationnel. Une vision qui porte ses fruits, puisque StockPro a été labellisé « Greentech Innovation » par le Ministère de la transition écologique.
Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, pourriez-vous nous présenter StockPro et son mode de fonctionnement ?
StockPro est une solution de réemploi de matériaux neufs de construction. Nous y offrons deux services principaux :
- La digitalisation de tous les matériaux à réemployer, avec un outil qui permet de gérer tous les surplus. C’est une sorte de magasinier virtuel qui permet de savoir, au moment où l’on en a besoin, ce que l’on a en reste dans son dépôt (tous les matériaux qui n’ont pas été utilisés dans les chantiers précédents). Grâce à cet outil collaboratif (l’ensemble du personnel de la société est mis à contribution, les pros peuvent connaître précisément leur stock et réutiliser les matériaux au moment où ils en ont besoin).
- Une plateforme qui permet aux entreprises, si elles ne désirent pas réutiliser leurs matériaux, de les mettre en vente sur la plateforme. Ce ne sont que des matériaux neufs, auxquels nous offrons une seconde première vie. Les fabricants et les distributeurs peuvent eux aussi proposer leur surplus ou leurs fins de série sur StockPro
Aujourd’hui, nous sommes donc vraiment une solution de sourcing et de digitalisation de matériaux de réemploi et nous nous adressons à l’ensemble des acteurs du BTP : entreprises, fabricants et distributeurs.
Quelle est la marche à suivre pour un installateur qui souhaite vendre un surplus ou qui cherche une solution précise sur StockPro ?
S’il souhaite mettre en vente un produit, il doit télécharger notre application. Elle est 100% B2B et nous procédons à une vérification du Siret pour nous assurer que seuls les pros se connectent.
Le fonctionnement est ensuite très simple, entre Vinted [plateforme en ligne de vente de vêtement de seconde main] et Yuka [une application qui permet de scanner les produits alimentaires pour connaître leurs informations nutritionnelles] : vous scannez le code-barre du produit (donc aucune saisie à faire) et vous obtenez ainsi toutes les informations le concernant (photos, fiche technique, etc.).
Côté utilisateur, les deux seules informations à rentrer à la main concernent le nombre d’articles que vous avez et votre localisation géographique. L’ensemble de nos matériaux sont géolocalisés, avec pour objectif de permettre à un professionnel qui chercherait un disjoncteur Resi9 dans un rayon de dix kilomètres autour de lui de le trouver facilement.
Ce service de mise en vente est complètement gratuit, en revanche, si vous souhaitez utiliser toute la partie gestion de stock, il faudra souscrire à un abonnement.
Vous pouvez consulter la plateforme directement sur internet, soit sur votre navigateur web, soit sur l’application mobile. Vous n’avez pas besoin d’être un professionnel du BTP : l’achat est possible pour les particuliers comme pour les artisans du BTP. Grâce au moteur de recherche, vous faites votre sélection et vous ajoutez les produits dans votre panier. C’est un processus de e-commerce classique, à la différence qu’il y a un délai de validation de la disponibilité du produit. Comme ce sont des produits de réemploi, il se peut que parfois le produit qui a été mis en vente par l’un de nos vendeurs ait été réutilisé dans l’intervalle. Il y a donc toujours une vérification en amont pour être sûr que le produit est toujours disponible. Le paiement est sécurisé et vous avez la possibilité d’aller chercher le produit directement chez le vendeur ou de vous le faire faire livrer.
Comment les industriels et les distributeurs trouvent-ils leur place sur StockPro ?
Afin de simplifier au maximum le processus d’insertion des matériaux dans l’application, nous avons réalisé que nous avions besoin de data : pour éviter la saisie à nos utilisateurs, il nous fallait en amont avoir constitué une base de données avec l’ensemble des références des matériaux. C’est comme cela que nous avons été amenés à entrer en contact avec des fabricants et des distributeurs. Notre approche les a convaincus à deux niveaux : un aspect « service » (StockPro leur permet de se différencier de la concurrence en proposant des services innovants et respectueux de l’environnement) et un aspect « gestion des stocks » pour valoriser les produits invendus lors de leur premier cycle de vie chez les distributeurs ou les fins de série en double emploi avec leurs nouvelles références.
Comment voyez-vous votre partenariat avec Schneider Electric ?
Nous sommes à un tournant : avec la loi de transition écologique et les décrets qui vont entrer en application en 2022 pour pénaliser la destruction de matériaux neufs, tous les acteurs du BTP doivent trouver une solution positive pour le réemploi de leurs matériaux.
Schneider Electric a été l’un des premiers fabricants que nous avons été voir et l’un des premiers à partager avec nous leurs données. C’est à mon sens l’un des acteurs les plus en avance sur la question du réemploi et de la durabilité, c’était donc assez logique que nous trouvions des choses à co-construire ensemble.
Très vite, nous avons discuté des stocks à réemployer et nous avons commencé à mettre en place les premiers tests. Nous sommes maintenant dans une phase de plus en plus intégrée, puisque nous avons sur notre plateforme une grosse partie de leurs stocks à réemployer, avec un processus de mise à jour et de rafraîchissement des stocks toutes les 30 minutes.
Ce que je trouve formidable, c’est qu’au-delà de cette partie « réemploi », Schneider Electric a une véritable vision pour décarboner le BTP. Nous sommes d’ailleurs totalement dans cette optique, puisque nous ajoutons les « données carbone » des produits dans notre base de données : chaque article réemployé grâce à StockPro pourra être inscrit dans une démarche d’économie carbone pour l’entreprise concernée.
Il est temps de pouvoir faire un bilan carbone lié au réemploi pour chacun de nos vendeurs et de nos acheteurs. Schneider Electric sera en capacité de dire à ses clients en fin d’année le gain carbone généré.
Quels sont vos usagers et quels retours vous font-ils ?
Nous avons trois typologies d’utilisateurs : des entreprises, des fabricants et des distributeurs.
Concernant les entreprises, 65 % de nos clients sont des électriciens et des plombiers. Ce sont les deux métiers qui, pour l’instant, vendent le plus d’objets connectés et ils sont donc beaucoup plus « évangélisés » en termes d’usages digitaux. S’équiper d’outils digitaux est plus naturel pour eux.
Les matériaux qui transitent sur StockPro sont des matériaux qui, neufs, coûtent assez cher. Il y a donc un intérêt d’autant plus important pour les pros à les revendre ou à leur trouver une solution de réemploi.
Nos clients aiment la simplicité de notre offre et soulignent que, une fois implantée, sa proposition de valeur est très forte : ils génèrent de la marge sans efforts supplémentaires.
J’insiste vraiment sur cette notion de simplicité, car c’est vraiment le retour principal de nos clients. C’est à mon sens lié au fait que, dès le démarrage du projet, nous avons collaboré avec une dizaine d’entreprises issues de différents corps de métier qui nous ont aidés à co-développer StockPro en la testant en continu. Nous avons ainsi pu créer une solution qui est aujourd’hui au plus proche des besoins de nos utilisateurs.
Concernant les distributeurs, nous travaillons avec, entre autres, Sonepar, pour la partie électrique. Ils sont très satisfaits, à tel point que nous avons déployé notre solution dans les 500 agences du réseau Sonepar, pour lesquelles nous gérons tous les produits « dépréciés ». Ils trouvent que c’est très efficace, d’autant plus que nous avons développé des solutions qui s’insèrent complètement dans leur process opérationnel.
Pour les fabricants c’est un peu le même principe : StockPro leur offre une solution concrète pour diminuer la valeur de leur stock, optimiser leur espace, etc. Mais c’est surtout une vraie solution de réemploi à forte valeur ajoutée pour eux et pour leurs clients. Là encore, les fabricants soulignent la simplicité de StockPro et la capacité de la solution à s’insérer dans leurs process.
Je suis convaincu que la clef est d’avoir une approche industrielle du réemploi : il ne faut pas qu’elle soit à côté des process opérationnels de nos clients, il faut qu’elle s’insère complètement à leur manière de travailler pour que ça devienne un réflexe quotidien.
Comment imaginez-vous le futur de StockPro dans 5, 10 ans ?
Idéalement, nous ne devrons plus exister dans 10 ans, puisqu’il ne devrait plus y avoir de matériaux gaspillés ! Mais je ne sais pas si ça arrivera assez vite.
Donc dans cinq, dix ans, nous nous voyons comme le leader du réemploi de matériaux de construction en Europe, avec une présence dans une douzaine de pays et une offre de service encore plus étoffée (dans le BTP il n’y a pas que les matériaux qui sont gaspillés). Notre prisme est le même : aider les entreprises à rationaliser leurs ressources pour qu’elles soient plus rentables et qu’elles évitent de gaspiller.
Comment voyez-vous le futur de la durabilité et de l’économie circulaire depuis votre position ultra opérationnelle ?
Je pense que ce sont des directions inéluctables. Aujourd’hui, l’approche sur ces sujets est parfois encore un peu trop marketing, voire cynique : il y a un gros décalage entre les professions de foi, l’offre disponible et la demande.
Nous le voyons bien sur les marchés où nous sommes assez présents auprès des entreprises et des maîtres d’ouvrages : tant qu’il n’y aura pas d’obligation formelle, tant que le réemploi ne sera pas imposé systématiquement et tant que nous n’aurons pas créé les conditions au niveau assurances et process, nous aurons du mal à avoir une approche industrielle.
Or, pour que le réemploi et l’économie circulaire pèsent durablement et de manière importante sur le réchauffement climatique et la production de déchets, cette approche industrielle est incontournable. On ne peut pas se contenter d’une approche erratique qui ne concernerait que 2 chantiers sur les 500 que l’on fait annuellement. Le BTP dans son ensemble n’est pas encore arrivé à mettre en place cette approche industrielle, mais, avec des solutions comme StockPro, on s’en approche doucement.
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