Bruno Capdordy est le Vice-Président Home&Distribution de Schneider Electric France. Entre défis techniques, potentiel commercial et cybersécurité, il partage en détail et sans langue de bois sa vision de l’interopérabilité. Avec l’arrivée prochaine de Wiser Home, le sujet est plus que jamais d’actualité.
Quelles sont aujourd’hui à votre avis les véritables limites de l’interopérabilité?
C’est une question complexe. Pour nous, les véritables limites de l’interopérabilité sont imposées par l’expérience client. Nous avons constaté que, lorsque l’interopérabilité se fait à partir de différents systèmes applicatifs, l’expérience client est appauvrie, quel que soit le système (ou quel que soit le confrère d’ailleurs). En revanche, une véritable application qui arrive à tirer la quintessence de tous les systèmes est une vraie valeur ajoutée.
Je vous explique : si je veux piloter mon chauffage en bénéficiant de la géolocalisation, l’application est assez simple et donc l’interopérabilité des écosystèmes l’est aussi. Si en revanche je souhaite combiner des données liées au niveau d’éclairage pour contrôler l’abaissement des volets roulants et ajuster mon chauffage dans la foulée, les choses se compliquent d’un point de vue algorithmique, c’est donc possible techniquement, cela se fait parfois au détriment de la simplicité de l’application au niveau du consommateur. C’est une première limite : l’expérience client au niveau de l’utilisation du système.
La deuxième limite concerne la maintenance et la mise à jour des systèmes. Si l’interopérabilité se joue au niveau du Cloud, les mises à jour sont faciles. Si votre interopérabilité se situe au niveau du hardware (ce qui implique une mise à jour produit par produit) c’est plus difficile.
Si vous avez par exemple une box qui communique avec une autre box ou une prise connectée qui elle-même communique avec un volet roulant connecté, tous ces produits doivent être mis à jour pour que le système marche. C’est plus complexe à gérer et les routines de mise à jour finissent par consommer beaucoup de bande passante et de données, la gestion des versions est très complexe, chacun des fabricants apportant continuellement des évolutions sur son système.
La troisième limite est à mon sens celle de la cybersécurité. Il est devenu impératif de s’associer à de grands partenaires pour être certain de la fiabilité des protocoles de cybersécurité que vous avez mis en place dans vos systèmes.
Aujourd’hui, chez Schneider Electric, nous travaillons sur ce sujet dans tous les secteurs : tertiaire, industriel et résidentiel, pour lesquels nous appliquons les mêmes règles. Nous sommes très vigilants à ce que les partenaires auxquels nous nous associons aient les mêmes critères que nous. Ainsi, nous allons avoir des partenaires qui ont les mêmes standards que nous et nous pouvons nous associer sans dégrader la sécurité des consommateurs, les autres nous ne nous associons pas, ce qui peut être frustrant pour les consommateurs / partenaires installateurs, mais nous ne voulons pas transiger sur ce point.
Y a-t-il aussi une limite de compatibilité des équipements entre eux ?
Si défi technique il y a, il tient aux différents protocoles de communication utilisés par les fabricants. Nos confrères de chez Delta Dore, Somfy et Legrand utilisent tous un protocole différent du nôtre. Mais grâce aux passerelles multiprotocoles et à un travail entre industriels de synchronisation des algorithmes, nous sommes capables de franchir ces obstacles. L’émergence de protocoles tels que KNX et Zigbee 3.0. qui sont ouverts nous permettent d’envisager l’avenir avec beaucoup de sérénité.
Quelle est pour vous la place des installateurs vis-à-vis de la question de l’interopérabilité ?
Le rôle des installateurs dépend de la typologie du système et des technologies déployées. Dans le cas de technologies très ouvertes, comme KNX, l’installateur devient véritablement intégrateur. Il paramètre le système, définit le scénario et associe plusieurs marques. Dans ce cas de figure, c’est vraiment l’installateur qui va être au cœur de la capacité des équipements à s’interopérer entre eux.
Certains systèmes comme Wiser chez nous, Netatmo chez Legrand ou TaHoma chez Somfy sont basés sur des protocoles ouverts, donc qui nécessitent une collaboration entre industriels en amont ou se centralisent via des applications telles que Apple Home Kit … Ces systèmes font le choix de faire primer la simplicité de l’expérience client sur la capacité à faire interopérer les systèmes via un installateur.
Chez Schneider Electric, nous avons donc choisi nos technologies en fonction de la plasticité du protocole et de sa capacité à offrir une expérience client maîtrisée. Cela nous oblige parfois à des renoncements en termes d’interopérabilité. C’est toujours un défi en tant que fabricant de trouver le bon équilibre entre interopérabilité et ouverture pure. Chez Schneider Electric France, nous essayons de résoudre cela en équilibrant la partie KNX (qui implique que l’installateur soit au cœur de l’interopérabilité) et des protocoles moins ouverts, mais qui permettent une meilleure maîtrise de l’expérience client, comme Wiser. Ce n’est donc pas tant le protocole que l’expérience client finale qui guide nos décisions technologiques en matière d’interopérabilité.
Si on se met à la place des installateurs, quels sont les challenges qui sont associés aux évolutions liées à l’interopérabilité et au développement des Smart Home ?
Le premier challenge, en tant qu’installateur, est à mon sens de faire un choix. Je m’explique : l’installateur peut décider de suivre le chemin d’une marque et de ne travailler que dans l’univers de cette marque ou il peut choisir de travailler avec des « meta applications » qui vont accueillir des produits de différents fabricants.
Il doit donc choisir entre vendre son savoir-faire de metteur en œuvre et ses capacités pédagogiques ou proposer une expérience client plus simple, mais plus simple aussi à massifier.
S’il opte pour la maîtrise complète de l’expérience client, des protocoles comme KNX permettent de travailler sur l’exhaustivité de cette expérience, c’est-à-dire sur la manière dont vous allez configurer et personnaliser l’application, jusqu’à la couleur des boutons.
Donc le plus gros challenge de l’installateur est de se positionner et de s’interroger : veut-il travailler au niveau de la marque et massifier ou veut-il maîtriser et vendre son savoir-faire ? Le chemin de la vente de son savoir-faire est difficile, puisque c’est un marché qui est étroit et sur lequel il faut facturer des heures (ce à quoi les installateurs ne sont pas forcément habitués). Pour prospérer sur ce marché, il faut des compétences commerciales en plus des compétences techniques. C’est un vrai challenge en termes de formation dans un secteur en pleine évolution. Quand vous êtes sur une approche monomarque (ou multimarque si elles collaborent entre elles), les choses sont plus approchables et nécessitent moins de temps / coût d’approche client.
Wiser va devenir en février votre écosystème unique de connectivité. Pourriez-vous nous parler de cette volonté de faire évoluer votre offre ?
Wiser, c’est une histoire qui a commencé en 2011 et sur laquelle nous avons énormément travaillé et appris, grâce notamment aux retours des consommateurs, des installateurs et des distributeurs. Ce sont ces retours qui nous poussent à toujours faire mieux.
Nous avons donc voulu simplifier notre système pour donner toute son importance à l’expérience client finale, qui doit être la plus agréable et fluide possible.
Nous avons aussi tenu à localiser la fabrication de nos produits Wiser en Europe. Pourquoi ? Parce qu’avec l’arrivée de la RE2020 nous devons impérativement réduire notre empreinte carbone, ce que la fabrication en Europe nous permet.
Enfin, le moteur principal de cette évolution de notre système Wiser concerne l’algorithmie. Avec la transition énergétique, on cherche à faire des logements moins carbonés, capables d’accueillir de l’autoconsommation ou un véhicule électrique. On cherche à réconcilier production et consommation énergétique dans les logements. Notre solution devait donc être en capacité d’accueillir de nouveaux algorithmes, nécessaires pour la mise en place de ces solutions.
Nous avons donc repensé le système et décidé de le recentrer autour de ces trois piliers : simplicité, fabrication européenne et capacité algorithmique adaptée aux logements de demain.
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Conversation
BABINOT Rodolphe
2 ans ago
Bonjour,
A quand le Wiser 2 qui prend en compte la production photovoltaïque et qui adapte la consommation des différents éléments connectés comme le chauffe-eau, le chauffage (maison ou piscine) et autres en fonction de cette production et suivant des priorités modifiables sur l’application.
Attendez-vous que la concurrence face mieux et surtout plus rapidement. Allez-vous nous obliger à modifier nos équipements parce que vos évolutions tardent à sortir ?
Faites au moins des communiqués nous informant des évolutions prochaines avec des échéances.
Créez des enquêtes participatives afin d’impliquer les utilisateurs finaux à vos futurs développements.
C’est bien d’aller aussi loin que vous l’évoquez mais finalisez d’abord l’essentiel.
Cordialement.
Carla BOYON
2 ans ago
Bonjour Rodolphe,
Merci pour votre question !
En tant que spécialiste de la gestion de l’énergie, nous sommes tout à fait conscients que le sujet de l’autoconsommation est majeur pour le secteur et nous travaillons ardemment à construire les solutions adaptées aux besoins de nos clients.
A ce jour, des logements tests nous permettent de parfaire notre offre et ses fonctionnalités, ainsi que son interopérabilité avec le reste de notre écosystème.
Il est certain que nous reviendrons rapidement vers vous avec la présentation de la solution parfaitement aboutie.
Belle journée,