Jamal Labed, Co-Fondateur et Directeur Général d’EasyVista. Article originellement publié sur Alliancy.fr.
En 2030, l’entreprise aura digéré le considérable choc des cultures que nous vivons aujourd’hui : celui qui oppose les « digital natives » — ceux qui, comme Obélix, sont tombés dans la marmite des nouvelles technologies dès la naissance – et les autres. L’issue de ce conflit générationnel ne souffre d’aucun doute : les « digital natives » – ou plutôt la seconde génération d’entre eux, qui n’a jamais connu un monde sans Internet – auront pris le pouvoir, et les conséquences pour les entreprises, ainsi que pour les méthodes et l’organisation du travail, seront multiples et profondes.
Plus de frontières entre pro et perso
Premier point de rupture – ou de « digital disruption », pour utiliser une expression en vogue – les « digital natives » ont aboli toute dichotomie entre les mondes personnel et professionnel. Ils veulent vivre comme ils travaillent et travailler comme ils vivent, c’est-à-dire en utilisant les mêmes outils, les mêmes technologies, dans leur boulot comme dans leur vie perso. Aujourd’hui, cela représente un immense défi pour les entreprises classiques, car elles se sont construites sur un historique en termes de technologies qui ne correspond pas à la façon dont les jeunes les utilisent.
Parions cependant qu’en 2030 les entreprises auront surmonté ce challenge, et sauront offrir aux nouveaux talents les outils avec lesquels ils ont grandi : des technologies massivement mobiles, offrant une expérience utilisateur irréprochable, fondées sur la simplicité et entièrement axées sur le social. Cette dimension sociale est cruciale, car elle a pour corollaire un tassement de la pyramide des pouvoirs et des hiérarchies. Les « digital natives » ne vont plus chercher l’information dans un lieu centralisé, ni chez les dépositaires officiels du savoir ; ils préfèrent s’appuyer sur des communautés et ont horreur de l’autorité !
L’avènement du Chief Service Provider
La transformation digitale condamne ainsi les entreprises bâties sur des strates ou des silos. Prenez l’exemple de la DSI (Direction des systèmes d’information) : Peter Sondergaard, qui dirige la recherche chez Gartner, en prédit la disparition. Il imagine une informatique décentralisée, disséminée dans l’ensemble des fonctions de l’entreprise, et surtout interconnectée. J’irai même plus loin en intégrant le rôle prédominant des services : en 2030, le CIO (Chief Information Officer) sera devenu le CSP, ou Chief Service Provider, dont le rôle consistera à développer des services innovants et résolument orientés clients.
Sous les coups de boutoir de l’ubérisation, les entreprises en 2030 seront en effet entièrement fondées sur la culture du client et du service. Dans cette optique, les talents vendront leurs compétences à de nombreuses entreprises : multi-casquette, multi-employeur, ils partageront leur vie professionnelle entre plusieurs projets. Cette nouvelle conception du travail aura un impact important sur les managers, qui travailleront uniquement en mode projets et devront réunir les meilleures ressources en personnel, internes ou externes, pour les mener à bien. Allons même plus loin : les entreprises n’auront plus de collaborateurs permanents – en dehors de coordinateurs dont le rôle sera justement de dénicher les ressources nécessaires à chaque projet – mais s’appuieront uniquement sur des talents en fonction des besoins.
Le collaborateur sera avant tout un client
Enfin, en 2030, votre collaborateur, qu’il soit salarié ou prestataire, sera devenu votre client ! C’est pour moi d’autant plus une évidence que nous avons déjà adopté cette perspective chez EasyVista. Si vous ne lui fournissez pas la qualité de service qu’il est en droit d’attendre – en termes d’outils, de communication, de process –, il ne souhaitera pas travailler avec vous ou, en tout cas, il ne restera pas chez vous. Les talents collaboreront avec une entreprise-projet uniquement s’ils y trouvent les valeurs et les méthodes de travail qui correspondent à ce qu’ils recherchent. Pourquoi en effet accepteraient-ils dans leur travail ce qu’ils refusent quand ils sont en position de clients ?
Si elles souhaitent réussir, ou même simplement encore exister à l’horizon 2030 – autant dire demain ! – les entreprises doivent dès aujourd’hui comprendre, accepter et implémenter ces changements de paradigme.
Biographie
Jamal Labed est le co-fondateur et directeur général d’EasyVista, éditeur français de logiciels présent en Europe et en Amérique du Nord, dans le domaine de l’IT Service Management et des Saas Business Apps. Entrepreneur, il a, précédemment, créé et revendu, deux start-up, SIGHT International et Echo Soft Technologies, respectivement spécialisées dans la formation informatique et l’édition de logiciels.
Engagé dans les causes professionnelles d’intérêt général, il a fait de l’essor du numérique français et de la création d’opportunités d’emplois dans le 93, son cheval de bataille. Depuis 2012, Jamal Labed assure la présidence de l’AFDEL (L’Association Française des Éditeurs de Logiciels et Solutions Internet), la 1ère organisation représentant l’édition de logiciels en France avec plus de 350 membres. L’AFDEL a pour objectif principal de faire entendre la voix des éditeurs de logiciels auprès des instances concernées.
Diplômé de Sup de Co Rouen, Jamal Labed a été fait Chevalier de la Légion d’honneur en 2013 par Fleur Pellerin.
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